Aucune des installations nucléaires françaises ne présente de risque justifiant sa fermeture. Mais leur sûreté doit être"évaluations complémentaires de sûreté" (stress tests) demandées aux exploitants, à la fois par l'Europe et par le gouvernement, après l'accident de Fukushima. renforcée sans délai. Telle est, en substance, la conclusion du rapport de 500 pages rendu public le 17 novembre par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), à la suite des
Certes, l'IRSN souligne que "les installations dont l'exploitation est autorisée en France peuvent être légitimement considérées comme sûres". Le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), André-Claude Lacoste, ajoute : "Si nous avions jugé qu'il y avait un danger imminent sur une installation, nous aurions demandé son arrêt." Pour autant, le diagnostic dressé par la centaine d'experts qui ont rédigé ce rapport est loin d'être totalement rassurant. Cela, sans même se placer
dans l'hypothèse d'une catastrophe naturelle (séisme, inondation ou
tempête) d'une ampleur exceptionnelle, face à laquelle les tests
visaient à déterminer, en priorité, la résistance des 58 réacteurs en activité d'EDF, ainsi que de l'EPR en construction à Flamanville (Manche).
Par rapport au "référentiel de sûreté" en vigueur – c'est-à-dire aux aléas naturels considérés lors de la conception des centrales –, "un certain nombre d'écarts de conformité ont été relevés",
note l'IRSN. Exemple : l'insuffisance des réserves d'eau destinées à
l'alimentation de secours des générateurs de vapeur. Ou encore l'absence
de prise en compte du risque sismique pour des systèmes de ventilation
des générateurs électriques de secours, ainsi que pour les systèmes
d'ancrage de certains tuyaux. "Il ne s'agit pas de défauts majeurs, mais de facteurs de fragilisation en cas d'un accident qu'il faut corriger rapidement", estime Jacques Repussard, directeur général de l'IRSN.
METTRE EN PLACE UNE "DÉFENSE RENFORCÉE"
Ce n'est pas tout. "Sur certains sites, les référentiels de
sûreté ne sont pas en concordance avec les connaissances actuelles sur
les risques naturels", poursuit M. Repussard. Autrement dit, les
normes de sécurité appliquées vis-à-vis des séismes et des inondations
sont obsolètes et il faut les "faire évoluer sans tarder".
Sept sites nucléaires sont plus particulièrement visés. Pour le
risque de tremblement de terre, Fessenheim (Haut-Rhin), Bugey (Ain) et
Civaux (Vienne). Pour le risque de crue, Fessenheim à nouveau, le
Tricastin (Drôme et Vaucluse), Cruas (Ardèche), Chinon (Indre-et-Loire)
et Saint-Laurent (Loir-et-Cher). Pour les centrales de Fessenheim et du
Tricastin, l'ASN avait déjà demandé à EDF, en juillet, d'"examiner les conséquences de la rupture des digues du Grand Canal d'Alsace et du canal de Donzère".
Qu'en serait-il, alors, en cas de catastrophe dépassant en intensité
les marges de sécurité retenues lors de la construction des réacteurs ?
La réponse est simple : leur sauvegarde n'est pas garantie. "Il n'est pas possible d'évaluer avec un degré de confiance suffisant la robustesse des installations pour ces niveaux d'aléas", juge l'IRSN. Ses experts préconisent donc de mettre en œuvre une "défense renforcée""noyau dur" assurant les fonctions vitales de sûreté des réacteurs. des équipements cruciaux, ceux qui forment le
"DES INVESTISSEMENTS MASSIFS" SONT NÉCESSAIRES
Parmi les équipements à sécuriser
figurent les salles de contrôle, où se trouvent les opérateurs.
Aujourd'hui, elles ne résisteraient pas à un séisme, ni à un accident –
tel qu'une explosion dans une usine chimique – survenant sur un site
industriel voisin.
Les réacteurs les plus exposés à ce risque sont ceux du Tricastin, de
Gravelines (Nord) et de Saint-Alban (Isère). Autres composants
vulnérables, les "filtres à sable" empêchant les rejets de
produits de fission en cas de fusion du cœur d'un réacteur, ou encore
les réservoirs de fioul des générateurs de secours. Ni les uns ni les
autres ne sont actuellement "parasismiques".
Cette exigence de protection renforcée vaut aussi pour l'EPR de
Flamanville, indique l'IRSN. La mise en conformité du parc avec ces
nouvelles normes "va prendre des années", prévient le président de l'ASN. Et elle nécessitera "des investissements massifs".
Toutefois, ce n'est qu'après la remise de son propre rapport au
gouvernement français et à la Commission européenne, début 2012, que
l'Autorité de sûreté fera des prescriptions aux exploitants.
Les conclusions et les recommandations de l'IRSN vont évidemment peser dans le débat en cours sur l'avenir de la filière nucléaire française. Ancien porte-parole du réseau Sortir du nucléaire et ancien candidat à la primaire d'Europe Ecologie-Les Verts, Stéphane Lhomme, président de l'Observatoire du nucléaire, s'étonne d'un rapport qui "se
prononce pour la continuation de l'exploitation de tous les réacteurs…
tout en reconnaissant que leur sûreté est gravement défaillante".
Pierre Le Hir
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